Articles | réformation de la noblesse bretonne

Préface

Voici un document qui va faire saliver tous les généalogistes. Pensez donc : il rassemble les deux mille familles qui se sont présentées à la « Réformation de la Noblesse bretonne » des années 1670. Et il y a mieux : chacune de ces familles est présentée avec son ascendance, laquelle remonte sur plusieurs générations, voire plusieurs siècles. Voilà donc que ces deux mille familles deviennent dix mille ; ...et le recensement qui en découle porte sur vingt ou trente mille individus !..

Merci à Eric Lorant et Jérôme Floury d'avoir mis entre nos mains une telle mine de renseignements, une telle « banque de données ».

Malgré cette population énorme, ne vous attendez pas à y rencontrer tous ceux que nos registres paroissiaux présentent comme des « nobles hommes », ou des « sieurs » de quelque manoir. Ici ne figurent que les véritables « écuyers », ou « chevaliers », nobles d'extraction. Vous apprendrez aussi à ne pas vous extasier devant des patronymes prétentieux : les nobles authentiques ne portent pas nécessairement des noms à rallonge ; la particule « De » ne signifie rien ; par contre, si vous vous appelez modestement Barbier, Bedeau, Bernard, Bocher, Bouteiller, ou Brunet, vous êtes un « sujet à risque » : veuillez consulter au plus vite votre généalogiste habituel.

En tout cas, ne dites pas que ces familles nobles ne présentent guère d'intérêt pour vous, puisque vous êtes « comme tout le monde » d'origine roturière. Méfiez-vous : quelques quartiers de noblesse, ça n'arrive pas qu'aux autres ! Le plus profond des paysans de Bretagne centrale s'est étonné un jour de découvrir qu'il a une aïeule De Guerlogoden, elle-même issue de la famille Du Fou, celle-ci alliée aux Gaël-Montfort, et remontant par là jusqu'aux Ducs de Bretagne, et même plus haut !.. Attention, le monde est petit.

Bien sûr, on a le droit de nourrir quelque doute sur la rigueur de certaines généalogies nobles. La Chambre de la Réformation a pu se laisser abuser dans certains cas : chaque famille avait tellement intérêt à s'accrocher aux plus hautes branches de l'ascendance, et l'authenticité des papiers était tellement difficile à établir... Mais les fonctionnaires de Colbert n'étaient pas des enfants de choeur : témoins tous ces « déboutés » et autres « désistants ».

Autre chose : on a si souvent opposé aristocrates et manants qu'on pourrait en retirer l'impression que la société ancienne était constituée par deux mondes étrangers, voire antagonistes. Il est bien vrai que la barrière était très nette ; mais il existait aussi une réelle cohabitation. Les aléas de la vie quotidienne ménageaient de continuelles rencontres, qui étaient loin d'être des confrontations. Ainsi, quand mon ancêtre Mathurin Le Tallec - que dieu lui fasse Paix ! -, paysan à Plussulien, faisait baptiser les deux jumeaux qui naissaient chez lui en 1709, les quatre parrains et marraines témoignent bien de la « mixité » de la société de l'époque : un noble homme, une demoiselle aristocrate, une honorable fille,...et Guillaume Jouan, qui était le commis de ferme ! « ...parrains et marraines ont été : pour ledit Jacques Le Tallec, noble homme Jacques Hyacinthe Blot, sieur du Penguer, et demoiselle Hélène Auffret, demoiselle de Kerbonèlen ; pour ladite Mathurine Le Tallec, parrain a été Guillaume Jouan, domestique dudit Tallec, et marraine honorable fille Mathurine Le Bail ; lesquels Jouan et Le Bail ne signent ; les autres ont signé. » Autour du ragoût familial, l'ambiance fut certainement excellente.

Bon vent et plein succès à cette publication. Nul doute que la masse documentaire qu'elle met à la disposition du public rendra possibles des recherches fructueuses.



Jean LE TALLEC